Fabrice Rivière

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Racines arborescentes

 Aussi loin que notre instinct puisse se souvenir « l’arbre » nous côtoie et occupe notre environnement.

 Refuge, abris, allié nourricier… et tout autant source d’inquiétudes, de terreurs, d’adorations, de superstitions, de communions, de dédains…, peu de qualificatifs échappent à ses ramifications. Et au gré des infinies expériences de chacun, sans remonter nécessairement à des temps immémoriaux, tous, nous préservons dans cette intuition secrète un moment ou un arbre a laissé son empreinte, unique et intime.

 Dans ce foisonnement riche d’émotions qui a suscité tant d’inspiration et qui continue d’agrémenter l’actualité, la brèche entre-ouverte par une forêt, un tronc, des branches, des racines… ne peut se percevoir comme un phénomène anodin.

 Un arbre raconte perpétuellement une histoire : sans le besoin impérieux de transmettre une révélation extraordinaire.

                  « La forêt est un lieu d’oubli

                   Où, amnésique, l’on se souvient de tout »

Impressions arborescentes

 Même éloigné d’un militantisme écologique forcené ou d’un certain mysticisme sylvicole, notre rapport avec l’arbre (et par extension la nature) nous questionne. Malheureusement, les promesses de notre société industrielle et technologique augmentent notre désarroi sans combler le vide. Alors l’on se raccroche à l’imaginaire, l’irrationnel, le presque palpable pour nous faire entrevoir le mince fil d’un canevas toujours insaisissable.

 Les beaux jardins à la française, l’alignement faussement aléatoire d’un parc urbain, nous séduisent, sans pourtant nous émouvoir. Comme au spectacle, nous recherchons du tragique, de l’onirisme, de l’étrange pour attiser nos sentiments.

 Marcher hors des chemins, dans la pénombre, nourrir juste un soupçon nos peurs participe plus à ces relations singulières qui nous lient à l’arbre.

 Mais cet environnement évocateur ne pousse pas forcément proche de nous

 Alors, bien sûr ces arbres n’existent pas. Ils arborent des représentations parmi d’autres, armées de stratagèmes de saltimbanques : un décor de théâtre à multiples facettes, pour vous séduire et capter un instant, cette attention perdue ou trop souvent distraite ; et entrebâiller furtivement une lucarne, une étincelle de lucidité, sur ces infimes choses inquiètes qui s’agitent derrière les branches : enfouies, mais jamais vraiment oubliées.

 « Pré-Histoire » arborescente

 Après beaucoup de temps à produire pour les autres, le besoin de recréer insistait, mais sans idée précise.

 Mon exploration des « univers à imagination » se poursuivait depuis des décennies.

 Châteaux, grottes, monstres, étoiles et formules d’alchimistes…

et encore, écrits, photographies, peintures… se suivent et se perdent.

Je me suis égaré dans ce dédale de lieux imaginés qui nécessitaient une description.

L’arbre s’est imposé comme un espace universel qui se passait d’explication.

 Je venais juste de m’installer sur l’île de La Réunion.

 Naturellement, je me suis dirigé vers l’intérieur, pour la parcourir.

 L’île abrite de rares endroits de la planète qui possède encore une forêt dite primaire. Même silencieuse, elle n’offre plus totalement un territoire vierge et inexploré, mais suffisamment préservé pour accorder à tout voyageur attentif, l’expérience de rencontres particulières.

 De retour, j’avais recueilli suffisamment d’impressions étranges pour cultiver et déployer l’imaginaire que je convoitais.

 Les premières branches sont nées.

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